Médicaments génériques voici l’une des questions qui ont mobilisé le ministère de la Santé
Objectif : promouvoir les médicaments génériques, changer les comportements des citoyens en matière de prise de remède et maîtriser les charges du système de l’Assurance maladie. Ainsi, médecins, pharmaciens et laboratoires sont tous appelés à assouvir la curiosité de leurs clients, dont une bonne partie ignorent tout sur ces produits : « Je pense que ce sont des médicaments peu onéreux, moyennement dosés et leur efficacité n’est pas la même que les autres médicaments ». Si Yousra, jeune secrétaire, est confuse en matière de composition, d’autres personnes sont aussi dans l’erreur. Elles pensent que les médicaments génériques sont à base de produits naturels et sont prescrits par les homéopathes ! Ignorance ou manque d’information ? Une chose est sûre, les médicaments génériques restent très peu connus au Maroc. En effet, le taux de leur pénétration se chiffre à seulement 25%. Un volume qui demeure insuffisant.
Aux Etats-Unis par exemple, en 2007, les médicaments génériques ont représenté 63% du marché américain, 65% au Canada, 50% au Danemark et 40% en Grande-Bretagne. Ainsi, la campagne de sensibilisation du ministère vient remédier à cette déficience, en promouvant les médicaments génériques et depuis quelques jours, spots publicitaires, affiches et annonces sont légion. Le citoyen n’est pas le seul à être dans la ligne de mire des responsables. Ces derniers veulent également sensibiliser les médecins, surtout ceux du secteur privé. « Nous essayons d’orienter les médecins du secteur privé à prescrire des médicaments génériques aux patients. Car une grande disparité existe entre le secteur public et le secteur privé. Selon des chiffres officiels, 91% des médicaments dans les hôpitaux publics sont des génériques », explique un responsable au ministère de la Santé.
Toutefois, il n’existe aucune loi qui oblige un praticien à prescrire tel ou tel médicament, ou un médicamentgénérique à la place d’un autre de marque. Ainsi, dans l’absence d’une règlementation, la mission du ministère ne semble pas aisée, « surtout que certains médecins touchent des petites commissions lorsqu’ils prescrivent les médicaments commercialisés par des laboratoires précis », explique un praticien. « Il y en a même qui demandent aux patients s’ils ont une assurance maladie ou pas, car c’est en fonction de cela que lesmédicaments sont prescrits. Des médicaments génériques pour les pauvres et des médicaments de marque pour les plus aisés », ajoute ce praticien. Et c’est là où se noue toute la problématique. A long terme, ce constatrisquerait de menacer la pérennité de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Selon une source du ministère, l’utilisation des génériques, qui doivent être payés 30% moins chers que les médicaments de marque, selon la loi organisatrice des médicaments au Maroc, permettra d’alléger les charges de l’AMO et assurera un bon fonctionnement de ce système. Automédication et pharmacie
De ce fait, le plan d’action 2008-2012 du ministère de la Santé a comme objectif de faire augmenter de 5 à 10% les ventes de génériques. « A présent, nous essayons de sensibiliser le consommateur pour qu’il puisse demander des médicaments génériques à son médecin. Même au niveau des pharmacies, la règle doit être la même », explique le responsable. De son côté, un membre de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP) affirme que la campagne de sensibilisation lancée par le ministère est une initiative louable car elle cherche à élargir l’accès aux soins et aux médicaments. Aussi, pour l’AMIP, les génériques représentent un enjeu planétaire, et non pas seulement local. Même si la campagne semble être appréciée par plusieurs institutions, un bon nombre de problèmes persistent.
« La déferlante des médicaments génériques est certes salutaire, mais elle n’est pas sans occasionner des soucis à plusieurs niveaux, surtout ceux relatifs à la prescription des médicaments par le pharmacien sans l’avis du médecin. Il faudrait donc commencer par sensibiliser cette catégorie professionnelle, et ensuite les citoyens », explique Mohamed Jdayen, généraliste. Le problème des prescriptions n’est pas le seul. Pour S. Amani, pharmacien casablancais, les médicaments génériques posent un autre problème. « L’existence de plusieurs génériques pour un même produit cause plus de tort que de bien. Souvent nous nous retrouvons face à un véritable casse-tête chinois. Lorsqu’on est face à 10 ou 15 génériques d’un seul médicament, je vous laisse deviner l’embarras dans lequel nous nous mettons », précise-t-il. Et les soucis des pharmaciens avec les génériques sont loin d’être terminés.
Ces derniers sont tenus, pour la bonne marche de leur officine, de disposer de la totalité des génériques existants. Résultats : ils se retrouvent avec d’énormes stocks et cela ne saurait être envisageable sans des fonds de roulement importants. Néanmoins, afin de bien comprendre cette situation, il faut s’attarder sur une réalité très répandue chez nous : l’automédication. Un exercice légitimé notamment par le manque de moyens et par un souci économique. Dans ce cas, le pharmacien se trouve face à une personne nécessiteuse qui souhaiterait avoir un conseil et sortir de sa pharmacie avec un médicament pas cher. « Si j’ai un bon générique entre les mains, que j’ai essayé et qui donne les mêmes résultats que la référence, je le prescris pour la majorité de mes patients, car je connais leurs moyens. En revanche, pour les maladies sérieuses, on ne peut pas se permettre cela, et nous demandons l’ordonnance du médecin traitant. Cette dernière privilégie souvent l’efficacité, c’est-à-dire la référence ou la molécule mère. Généralement, dans pareils cas, les médecins ne prescrivent pas de médicaments génériques. De notre côté, on ne peut absolument pas prendre le risque.
Médicaments de confiance
Car c’est une lourde responsabilité » explique un pharmacien installé dans un quartier populaire de la métropole. Aussi, le générique au Maroc a créé une nouvelle situation mettant en confrontation médecins et pharmaciens. En effet, face à une rupture de stock d’un produit prescrit, certains pharmaciens n’hésitent pas à donner un médicament générique. Chose qui rend furieux le corps médical. Car le pharmacien n’a pas le droit de changer un produit de référence par un générique sans autorisation préalable du médecin traitant. Malgré les confusions qui peuvent avoir lieu, la science a son mot à dire : Un médicament générique est un médicamentidentique ou équivalent à celui d’une marque (appelé médicament princeps), mais produit et vendu sous sa dénomination commune internationale (DCI, nom chimique de la molécule). La molécule active qui fait tout leur intérêt a été utilisée pendant de nombreuses années sur un très large panel de patients, et a déjà fait ses preuves.
Ce sont des médicaments de confiance qui soignent bien, en toute sécurité, et ils ont l’obligation légale d’être aussi efficaces que leurs originaux. En théorie, la posologie, les indications et contre-indications, les effets secondaires et les garanties de sécurité sont les mêmes. En revanche, un médicament générique est vendu à un prix moindre, ce qui n’est plus toujours le cas, certains laboratoires ayant décidé de baisser le prix de leursmédicaments princeps pour encourager les médecins à continuer à les prescrire. Pour ceux qui ont donc des inquiétudes par rapport à l’efficacité des médicaments génériques, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les consignes sont claires : le gouvernement marocain est de plus en plus sévère au niveau de la bioéquivalence de ces médicaments. Les génériques qui sont sur le marché ont la même efficacité que les médicaments de marque.
« C’est tout simplement fantastique de constater la chute du prix d’un produit pharmaceutique, lors de son passage en mode générique. En plus, la différence des prix est importante lorsque le médicament d’origine coûte cher », témoigne une cliente. Ainsi, afin de ne pas se retrouver face à des concurrents, certains laboratoires trouvent une meilleure parade, en créant leur propre générique, qui n’est autre que le produit d’origine vendu sous un autre nom. Un bon prétexte pour garder la référence dans les étalages, puisque le prix de leur générique avoisine celui du clone indésirable. La pharmacie et l’économie
Le marché pharmaceutique marocain est animé autant par les principaux acteurs du marché du médicamentdans le monde que par des sociétés nationales. Cette diversité, matérialisée par la présence de 35 sites de production, permet d’offrir toutes les gammes thérapeutiques. Par ailleurs, le secteur a produit plus de 227 millions d’unités en 2007, permettant de couvrir, dans la régularité et la continuité, près de 70 % des besoins locaux en médicaments. Actuellement, le secteur pharmaceutique exporte en moyenne 8 à 10 % de sa production vers des pays européens, arabes, asiatiques ou encore africains. Ces exportations pourraient enregistrer une progression plus forte. Il est certain que l’export demeure un axe stratégique à consolider, d’autant plus que notre pays jouit d’une situation privilégiée, à la croisée de plusieurs continents. De l’avis de tous les observateurs, aussi bien nationaux qu’internationaux, l’industrie pharmaceutique marocaine est un pôle de croissance en raison des technologies acquises, de son savoir-faire désormais reconnu par les instances internationales et des performances qu’elle réalise tant au niveau des quantités produites que de la qualité des médicaments. Ainsi, les termes performance, qualité, technicité, savoir-faire, compétence, investissement, éthique reviennent toujours pour qualifier notre industrie.
L’exemple français
Les Français ont augmenté leur consommation de médicaments génériques de 22,1% en 2007, par rapport à 2006, d’après l’édition 2008 du « Mémento médicament » de la Mutualité Française. Dans huit cas sur dix, lesmédicaments génériques ont été préférés aux médicaments de marque, ce qui a permis une économie de 1,16 milliard d’euros à l’Assurance maladie. Ce bond en avant des génériques serait surtout lié au fait que les pharmaciens ont désormais la possibilité de refuser le tiers payant aux personnes qui n’accepteraient pas de prendre un médicament générique. Initiée en janvier 2007, cette mesure, qui oblige les récalcitrants à avancer l’argent de leurs médicaments, semble porter ses fruits. L’année 2007 a également marqué un progrès de l’automédication. Avec un chiffre d’affaires de 1,93 milliard d’euros, le marché de l’automédication a progressé de 5,2% entre 2006 et 2007.
Médicaments génériques bientôt des tests obligatoires
Les tests ne concernent que les médicaments sous forme solide, dite forme sèche. Les professeurs chercheurs veulent des précisions sur les organes chargés d'effectuer les essais cliniques, les délais de réalisation des tests et les procédures à effectuer. Réclamé pendant longtemps par les médecins à Yasmina Baddou, prédécesseur de l’actuel ministre de la santé, le projet de décret relatif à la bioéquivalence des médicaments génériques est sorti du Secrétariat général du gouvernement pour être mis dans le circuit d’adoption. S’inscrivant dans le cadre de l’application des dispositions de la loi 17-04 portant code de la pharmacie et du médicament, ce projet de décret permettra au Maroc d’opérer la mise à niveau de sa réglementation des génériques. Ces médicaments, rappelons-le, sont au centre de la politique nationale du médicament que le ministère de la santé entend mettre en place en vue de maîtriser ses dépenses dont 37% portent sur les médicaments.
C’est donc une avancée juridique majeure puisque le projet impose l’obligation de la bioéquivalence à tout laboratoire, qu’il soit producteur ou importateur, souhaitant mettre sur le marché un produit générique. La bioéquivalence d’un générique par rapport au princeps (molécule-mère) est exigée pour l’octroi d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM). En termes simples, cela veut dire qu’il faut apporter la preuve que le médicament générique en question présente la même efficacité thérapeutique que celle du princeps. Il faut toutefois souligner que l’obligation du test ne concerne que les médicaments solides, dits formes sèches.
Environ 200 000 DH pour faire un test
Pour les professeurs chercheurs, le décret a le mérite de donner une définition de la bioéquivalence et fixe les critères scientifiques justifiant la dispense des études tests pour certains produits. Cependant, ils estiment que «plusieurs détails importants doivent être précisés dans les textes d’application», notamment les organes chargés d’effectuer les essais cliniques, les délais de réalisation des tests et les procédures à effectuer. Ils soulignent par ailleurs les failles du projet de décret qui «ne fait pas référence à la méthodologie des tests de bioéquivalence et celle des calculs statistique et expérimental». Ces mêmes chercheurs font remarquer que le texte «ne précise ni la qualité des experts devant faire les tests ni le nombre de volontaires sains et ne prévoit les tests que pour le premier lot de fabrication». A leur avis, les tests doivent se faire dans les hôpitaux et les laboratoires de pharmacologie. Ils soulignent aussi que les essais se font sur un groupe de 25 volontaires sains et doivent durer en moyenne deux mois au terme desquels sont dégagés les résultats de biologie médicale.
Les chercheurs précisent enfin que l’obligation de la bioéquivalence si elle est «une grande avancée, elle n’est pas suffisante à elle seule». Pour qu’elle réponde aux attentes, le contrôle de qualité des matières premières et l’inspection régulière des sites de production doivent être des impératifs.
Pour leur part, les pharmaciens, qui ont toujours réclamé la bioéquivalence, réclament aussi que des mesures d’accompagnement à la mise en œuvre du projet de décret sur la bioéquivalence soient adoptées. Leur requête porte principalement sur l’octroi du droit de substitution aux pharmaciens et le réaménagement de leur marge, deux mesures qui pourraient booster les ventes de génériques. Ces derniers, selon les statistiques sectorielles, représentent globalement 30% du marché du médicament. Mais, précisent les pharmaciens, «si l’on tient compte des ventes de médicaments sans ordonnance, donc sur conseil du pharmacien, la part des génériques peut atteindre 50% du marché». Le Maroc est, selon les pharmaciens, à la traîne par rapport aux autres pays. En France, les officines peuvent substituer jusqu’à 78% de l’ordonnance et aux Etats-Unis ce taux est de l’ordre de 80%.
Outre le droit de substitution, les pharmaciens estiment que les pouvoirs publics doivent prévoir une marge plus élevée pour les génériques à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays. De plus, ils soulignent que la bioéquivalence entraînera une hausse du prix du générique dans la mesure où le laboratoire fabricant devra supporter les frais des essais qu’il doit amortir. Selon les estimations des professeurs chercheurs, le coût d’un essai est de l’ordre de 200 000 DH. Si son prix, aujourd’hui 30 à 40% moins cher que le princeps, augmente le générique, sera-t-il toujours intéressant pour les citoyens ? Et permettra-t-il au ministère de la santé de maîtriser la dépense médicament ?
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